L’Assemblée vote une protection du droit à l’image des enfants


L’Assemblée nationale a adopté lundi 6 mars, en première lecture, une proposition de loi visant à mieux protéger le droit à l’image des enfants face aux dérives de certains parents qui les exposent excessivement sur les réseaux sociaux. Le texte, porté par le député Bruno Studer (Renaissance) et soutenu par le gouvernement, a été adopté à l’unanimité dans un climat consensuel rare dans l’hémicycle. Il doit désormais être examiné au Sénat.

Il introduit la notion de « vie privée » de l’enfant dans la définition de l’autorité parentale du code civil, pour souligner le devoir des parents de la respecter. Il précise aussi que le droit à l’image du mineur est exercé en commun par les deux parents en tenant compte de l’avis de l’enfant. S’il y a désaccord entre parents, le texte prévoit que le juge peut interdire à l’un d’eux « de publier ou diffuser tout contenu sans l’autorisation de l’autre ».

Dans des cas graves d’atteinte à la dignité, le texte ouvre la voie « à une délégation forcée de l’autorité parentale », donnant la possibilité à un juge de confier l’exercice du droit à l’image de l’enfant à un tiers. Cette loi vise à « responsabiliser les parents » mais aussi à montrer aux mineurs que « les parents ne disposent pas d’un droit absolu sur leur image », a fait valoir le député.

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En moyenne, 1 300 photos publiées avant l’âge de 13 ans

Selon des chiffres cités par les parlementaires et l’exécutif, un enfant apparaît en moyenne « sur 1 300 photographies publiées en ligne avant l’âge de 13 ans ». Par ailleurs, « 50 % des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux ».

Des associations dénoncent des dérives, comme celles des « vlogs » familiaux (blogs vidéo) tenus par des parents faisant la course aux likes en exposant l’intimité de leurs enfants, parfois en quête de revenus publicitaires. Jusqu’à recourir à des mises en scène dégradantes, comme celles du « Cheese Challenge », viral sur TikTok, consistant à jeter une tranche de fromage fondu au visage d’un bébé et à filmer sa réaction.

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Certaines images d’enfants peuvent mener à du « cyberharcèlement » ou à « compromettre leur crédibilité pour des candidatures scolaires ou professionnelles » futures, a aussi souligné le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, qui a apporté son soutien « avec force et conviction » au texte. Ce dernier s’inscrit dans le prolongement d’une loi sur les « enfants influenceurs » votée en 2020 par le Parlement, déjà portée par le député Studer, pour encadrer les horaires et les revenus des mineurs dont l’image est diffusée sur les plates-formes vidéo.

Vers une loi contre le temps d’écran croissant des enfants

La semaine dernière, c’est aux réseaux sociaux que s’était adressée l’Assemblée nationale en votant en première lecture l’obligation pour les TikTok, Snapchat ou autre Instagram, de vérifier l’âge de leurs utilisateurs ainsi que l’accord parental pour l’inscription des moins de 15 ans, sous peine de sanctions. Et lundi, les députés ont commencé en début de soirée l’examen d’une autre proposition de loi, portée par la députée macroniste Caroline Janvier, pour s’attaquer au temps croissant passé devant des écrans, avec une meilleure sensibilisation des adultes.

Sa proposition de loi prévoit d’inclure dans le code de la santé publique une formation aux risques liés aux écrans pour les professionnels de santé et de la petite enfance, et l’insertion de messages de prévention sur les emballages d’ordinateurs, tablettes et téléphones. Le texte prévoit aussi que les structures de la petite enfance et des écoles intègrent des règles restrictives d’utilisation des écrans pour les encadrants.

Pour les parents, il demande notamment l’insertion de recommandations sur une bonne utilisation dans le carnet de grossesse. L’Organisation mondiale de la santé et le Haut Conseil de la santé publique préconisent de ne pas exposer les enfants aux écrans avant l’âge de 2 ans. L’excès d’écran est un « phénomène de grande ampleur », avec des « risques accrus d’obésité », de « troubles du sommeil » et « d’hypertension artérielle », a alerté Mme Janvier.

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L’exécutif, qui soutient ces initiatives parlementaires, se veut lui aussi actif sur ces sujets, avec notamment sa plate-forme d’information jeprotegemonenfant.gouv.fr. La France sera bientôt le premier pays du monde à généraliser la présence « par défaut » sur tous les appareils vendus sur son territoire d’un logiciel de contrôle parental, a souligné la semaine dernière le ministre délégué à la transition numérique, Jean-Noël Barrot. Le gouvernement prévoit aussi de tester en mars une solution de vérification d’âge bloquant l’accès des mineurs aux sites pornographiques.

Le Monde avec AFP



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